. Starfleet Académie, classe de CHET, un groupe d'aspirant entoure ce qui semble être un autre étudiant.
. Cette scène relativement classique d'une salle de classe en l’absence du professeur passerait pour banale, à part deux choses que n'aurait pas manqué de remarquer tout observateur présent et au fait des us et coutumes de l'Académie.
. Premièrement, ce n'était pas une ou deux personnes qui entouraient l'étudiant mais presque la totalité de la classe.
. Deuxièmement, les propos engagés, une multitude de questions aussi dépourvurent de lien entre-elle qu'il n'était possible.
. - « Racine 4 de 33.215,0625 ? »
. - « 13,5 »
. - « Autour de quelle étoile orbite Sarpedon ? »
. - « Beta Niobe »
. - « Sur quelle planète ce situe le seul gisement de zenite ? »
. - « Ardana »
. - « Sur l'échelle des civilisations industrielles, où se situe la planète Scalos ? »
. - « Niveau 7 »
. - « Comment s'appelle la période de l'histoire vulcaine qui a vu vaincre la » logique ? »
. - « L'Awakening »
. - « Dans quelle bataille Garth d'Izar s'est-il distingué ? »
. - « La bataille d'Axanar »
. - « Qu'est-ce qui a donné aux Platoniens leurs capacités psychokinétiques ? »
. - « La kironide »
. - « Quel est le principal trait de caractère des Tholiens ? »
. - « Le ponctualisme »
. L'aspirant continuait à répondre de bonne grâce à toutes les questions que lui posaient les autres jusqu'à ce que de la porte ...
. - « À vos rangs fixes. »
. Celui qui venait de parler, ou plutôt de crier, était un humain de haute taille, bel homme, musclé, bronzé et qui si ce n'était le regard légèrement bovin aurait passé pour le plus beau parti de l'assemblée.
. En réponse à ce cri, les réactions furent multiples, certains se tassèrent sur eux, d'autres encore rejoignirent leurs places respectives, d'autres se figèrent dans un garde-à-vous plus ou moins correct. Le seul à réagir correctement fut l'étudiant au centre du rassemblement, un homme à l'aspect plus âgé que les autres, qui aurait ressemblé à n'importe qui se ce n'était une peau et des yeux jaunes.
. - « Votre nom aspirant ? » Demande le petit homme d'âge mûr à celui qui avait donné l'alerte.
. - « Monsieur, Aspirant Esteban Welton, monsieur » Répondit le jeune homme toujours au garde-à-vous.
. - « Ah oui, Welton.... Vous vous destinez à une carrière dans les forces d'intervention, il me semble ? »
. - « Monsieur, oui, Monsieur »
. À cette réponse plusieurs ricanements se firent entendre dans l'assistance, immédiatement réprimer d'un regard du professeur.
. - « À la fin du cour, vous viendrez me voir, j'aimerais m'entretenir avec vous. »
. - « Monsieur, oui, Monsieur » Répondit l'intéresser d'une voix un peu moins assurée.
. Sans plus attendre, l'homme alla vers l'estrade, posa sa mallette de cuir marron sur la table et s’appuyant sur la chaise leva les yeux sur l'assistance qui le temps de sa discussion avec l'aspirant Welton avait pris place et attendait.
. - « Assis. » Dit-il avant de reprendre quelques secondes plus tard. « Messieurs, je m'appelle Clifton, professeur Mat Clifton, votre professeur en 'Circonstance Historique des Évolutions Technologiques'. Mon cours est particulier et vous en connaissez sûrement ce qui risque d'arriver si vous échouez, ainsi je suis prêt à rayer votre nom du registre si vous le désirez, cette offre est unique et prendra fin à 00H00 ce soir. »
. Pose de quelques secondes.
. - « Je ne suis pas aussi naïf que l'on le prêtant et je sais parfaitement qu'à l'Académie et aussi qu'au dehors l'on me surnomme 'Thanatologue' »
. Léger brouhaha.
. - « Alors deux choses : une – ne me faite jamais l'injure de me faire croire que vous l'ignorez et deux – ne prononcez jamais ce nom en ma présence... évité même d'y penser. »
. Autre pose de quelques secondes.
. - « Ce petit speech de début d'année est normalement fini mais cette année, je voudrais ajouter quelque chose : La curiosité est pour un futur explorateur primordial mais il ne faut pas contrordre curiosité et spectacle de cirque.... Me suis-je bien fait comprendre ? »
. Silence.
. - « Dois-je me répéter ? »
. Une succession de 'oui' et de 'non' parcourut la salle de classe suivant que les postulants répondaient à la première ou la deuxième question.
. - « Bien. Commençons »
. - « Comme vous l'avez tous remarqué nous avons cette année quelqu'un d'unique dans notre promotion. »
. - « Je veux parler de l'aspirant « Data ». M. Data bien que dirigé par une intelligence artificielle est le résultat que plusieurs siècles de recherches et sa perfection lui a conféré le titre espèces vivantes, »
. - « Mais cela n'a pas toujours été le cas... à une exception près... »
. À ces mots tous oublièrent les remontrances du professeur et attendaient avec impatience ce qui faisait la réputation du cours.
. - « Au début de l'aire de la propulsion ultra-luminique le transport de fourniture était encore soumis au dictât du rendement. Et si les premiers transports de colons sans jouir de tout confort étaient humainement supportables, le transport du fret était lui d'une tout autre nature, les transporteurs n'étaient que de grosse boîte, où entre la chambre des machines et les salles de stockages, la partie réservée au PI, pilote/ingénieur, était moins grande que cette pièce, et comme les voyages duraient en moyenne plusieurs mois, je vous laisse deviner la chose. »
. - « Les PI à cette époque ne sortaient pas d'académie spatiale, c'étaient des hommes, et quelques rares femmes, rudes, et généralement plus prompts à jouer des poings et du couteau que de diplomatie. Et les rixes dans les bars et bordels aux alentours des astroports étaient monnaies courantes. »
. - « J'en aie vu réagir aux mots bordel, hé oui messieurs après plusieurs mois de solitude ces hommes avaient besoin de se vider comme on disait à l'époque, et le temps entre deux voyages étant réduit au minimum, les échanges romantiques ce résumaient à la discussion sur les diverses prestations et les tarifs bien sûr. Des hommes durs, je vous dis. »
. - « Mais si les maisons de plaisirs convenaient aux escales, comment faire lors du voyage, les plaisirs solitaires (quelques ricanements) cela va un temps. Ainsi, ce développa bien vite un trafic de mécanismes de plus en plus réaliste et dans le cas des plus performantes équipées d'intelligence artificielle. Les poupées. »
. - « Oui mademoiselle... Ranita ? » Demande le professeur en réponse d'une main levée.
. - « Vous soutenez qu'à l'époque la principale utilité des intelligences artificielles était la recherche du plaisir ? »
. - « Et encore maintenant, faites quelques recherches et vous verrez que la plupart des programmes holographiques disponibles sont de cette nature. »
. - « Monsieur, je ne crois... »
. - « Faites vos recherches et ensuite si vous voulez encore en discuter... mais pour l'instant j'aimerais continuer mon histoire. »
. - « Donc, je disais, bien que chaque PI le niait farouchement, les statistiques ne mentent pas et à l'époque, on estimait à 80 % le nombre de PI utilisant les services d'une poupée. »
. Petite pose légèrement plus longue.
. - « Maintenant, je vais vous parlez du SS-Maverik, transporteur de fret à long rayon d'action de classe Namur, PI : Samuel Bud, dit Big Palace, buveur, bagarreur, moitié contrebandier, moitié pirate, une femme et une ardoise dans chaque astroport du quadrant, un homme de son époque quoi... enfin pas tout à fait. »
. - « Aux 437 jours de son dernier voyage, l'enquête le révélera plus tard, une importante source de radiations Dell envahit son habitacle et malgré la rapidité de Samuel à circoncire la fuite, le verdict était sans appel. La mort par irradiation dans les trois heures et trop loin de tout pour espérer le moindre secours. Dans cette situation tout les PI auraient activé sa poupée, sortirent une bouteille d'alcool ou un rail de poudre et se serait offert une dernière bordée, mais pas Samuel. »
. - « Non, lui prit une douche sonique, se prépara un souper fin et mourut calmement sur sa couchette. »
. Long silence.
. - « Professeur ? »
. - « Oui, Monsieur Data ? »
. - « Je ne comprends pas, en quoi cette histoire a à voir avec l’évolution technologique. »
. - « Un peu de patience. »
. ...
. - « Comme presque tous les transporteurs, les classes Namur étaient équipées d'un pilote automatique relié directement au statut-vie du PI et lorsque celui-ci détecta que celui-ci était mort, le vaisseau SS-Maverik mit le cap sur la plus proche colonie, qu'il atteignit en moins de six mois. »
. - « Une fois les transactions sur les droits d'épaves conclus avec l'armateur du SS-Maverik, une autre époque, je vous dis, une équipe de prise issue de la colonie aborda le vaisseau et c'est là qu'ils découvrirent qui était en réalité Samuel Bud. »
. Petite pause pour faire monter la sauce.
. - « Dans un habitacle décoré avec goût, une table, deux chaises, un divan face à une installation vidéo standard, une large couchette sur laquelle gisait le corps momifié de Samuel mais surtout assis sur l'une des chaises un homme d'une trentaine d'années habillée avec soin. »
. - « La scène était si loin de ce que l'équipe de prise s'attendait que personne ne bronchât lorsque l'homme se leva, et rejoignant la couchette, se coucha à côté de Samuel, lui prit délicatement la main desséchée et se tournant vers les colons déclara avant de fermer les yeux : Je vous le confie. »
. ...
. - « Samuel Bud, Big Palace que tous décrivaient comme une brute à peine dégrossie s'était créé dans l'intimité de son habitacle, les enregistrements trouvés dans la mémoire du vaisseau le prouveront, un petit nid douillet où avec sa poupée, il menait une vie faite d'amour et de douceur. L'homme est vraiment un être bien difficile à analyser. »
. - « À l'époque, la coutume voulait que les PI mort soit éjecté vers le plus proche soleil, ce qui fut fait sans autre forme de procès par les colons. »
. ...
. - « Monsieur Data, vous me demandiez en quoi l'histoire de Samuel avait à voir avec mon cours, rien, l'important dans cette histoire, c'est M. Black... la poupée. »
. - « Une poupée de cette qualité à une valeur non négligente, et comme Samuel ne l'avait, nous comprenons tous pourquoi, jamais déclaré, elle devint légalement propriété de la compagnie qui l'envoya au fabricant pour un nettoyage mémoriel complet,... qui ne donna rien. »
. - « En effet en dépit de tous les efforts des équipes de programmation, M. Black restait inerte, diagnostiques, études, formatage aux plus bas niveaux, rien, M. Black refusait de reprendre vie. »
. - « Après les simples techniciens, ce fut le tour des ingénieurs en IA, re-diagnostiques, ré-études, re-formatage, M. Black restait toujours inerte. »
. - « Tout cela prit un certain temps, temps suffisant pour que l'histoire de Samuel et M. Black fasse le tour de différents astroports et c'est aussi que, lorsque les différents centres de recherches remirent leurs rapports avant de passer à autre chose, une délégation de PI se proposa au rachat de M. Black, et un an plus tard, à l'anniversaire de la mort de Samuel, une centaine de transporteurs se positionna en orbite du soleil où c'était terminé la carrière de Samuel afin de permettre à sa poupée de le rejoindre. »
. - « L'affaire fit grand bruit, en effet pour assister à la cérémonie beaucoup de PI avait détourné de leur trajectoire leurs transporteurs et quand on sait ce que coûtait le transport à cette époque, je vous laisse sans peine deviner ce que fut la réaction des armateurs, tous s'attendaient à une vague de licenciements, procès en dommages et intérêts, peut-être même à des peines d'emprisonnement. »
. - « Il n'en fut rien, car pour la première et uniquement fois de son histoire les PI, qui en temps ordinaire n'auraient pas hésité à éliminer un concurrent trop 'Chanceux', firent bloc. »
. - « Peu de temps après une rumeur parcourra les astroports. Juste avant d'être éjecté vers le soleil, M. Black aurait ouvert les yeux et dit 'Merci.' »
. Le professeur Clifton se tut, appréciant en connaisseur ce que cette histoire produisait comme réaction chez les différents aspirants.
. - « Messieurs, il est maintenant temps de commencer la leçon du jour. 'La régulation des émotions dans les unités multitroniques de type Daystrom »
* * * * *
. - « Entrez »
. - « Monsieur, Aspirant Esteban Welton au rapport, Monsieur »
. Devant le ton formel du jeune homme, Clifton assis derrière son bureau soupira.
. - « Repos aspirant. »
. Immédiatement le jeune homme passa du grade-à-vous réglementaire à une position repos tous aussi réglementaire.
. - « Et asseyez-vous. »
. - « Monsieur, merci, monsieur. »
. Re-soupir du professeur.
. - « J'ai bien connu votre père vous savez, nous avons fait une partie de notre cursus universitaire ensemble, j'ai été attristé de sa mort lors de la crise des 'quidams'. C'est pourquoi je vais me permettre de vous parler en toute franchise. M. Welton connaissez-vous les règlements de l'académie concernant l'obligation de résultat. »
. - « Monsieur, les aspirants ont une obligation de résultat aux différents cursus auxquels ils sont inscrit, monsieur. »
. - « Cela c'est le texte mais voyez-vous ce que cela implique notamment pour les cours facultatifs comme le mieux, cela implique que si vous réussissez, cela n’aura aucune influence sur votre carrière, alors que si vous ratez, vous perdrez au mieux une année au pire une exclusion définitive. C'est pourquoi je laisse aux aspirants une chance de renoncer à leurs inscriptions. »
. - « Monsieur, je maintiens mon inscription, monsieur. »
. - « Pourquoi ? »
. La question fit mouche, visiblement Esteban ne savait que répondre. »
. - « Monsieur, permission de parler librement, monsieur. »
. - « Je vous y invite. »
. - « L'année dernière au moment de mon inscription, de fausses informations distillées par d'autres postulants, m'a convaincu que l'inscription à un maximum de cours facultatifs était la seule façon de faire carrière, lorsque je me suis rendu compte que c'était faux, ils étaient trop tard. Pour parler vulgairement je m'étais faits avoir. »
. - « Raison de plus pour annuler votre inscription non seulement à mon cours mais également aux autres, vous n'êtes pas le premier et il existe un consensus entre les professeurs... »
. - « Non monsieur, je vous remercie de votre offre généreuse mais je dois la décliner, quelles que soient les circonstances qui m'ont mis dans cette situation, c'est moi qui ai signé, c'est donc à moi d'en assurer les conséquences. »
. - « Qui parle là ? Vous ou votre ego ? »
. ....
. - « Je l'ignore, monsieur »
. - « Intelligente réponse... Vous pouvez disposer. »
. - « Monsieur, merci, monsieur. »
Épilogue
. Cinq ans plus tard, l'enseigne Esteban Welton, sortait non seulement majeur de sa promotion, mais ils avaient réussis, avec mention, tout les cours facultatifs auquel il c'était inscrit.
F I N