CHAPITRE 1
***POV de Kirk
La petite, soudain, se détacha de moi.
« Non, laisse-moi ! » Elle partit vers le fond de la passerelle. Surpris par sa réaction soudaine, je tentais de m’approcher. Uhura essaya également de venir près d’elle.
« Non, va t'en, toi aussi ! »
« Marie, j’ai besoin de comprendre. Explique-toi ! » lui dis-je en tentant de lui prendre la main. Elle me repoussa encore. Elle fixait le bout de ses chaussures.
« Regarde moi, Marie. Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui te met en colère ? » Les garçons, interloqués, la regardaient aussi, sans dire un mot. Elle se débattait chaque fois que je faisais un pas vers elle, elle agitait les bras, elle criait, elle pleurait.
« hey, calme-toi ! »
« Non, laisse moi, on a été méchant avec toi, et avec les autres. Ils vont nous détester. »
« Cela n’arrivera pas, Marie ! Calme-toi ! C’est fini ! Chut ! » Elle se laissa tomber dans mes bras, je pus la serrer contre moi, et elle accepta de poser sa tête contre mon épaule. Elle sanglotait éperdument. Je pus m’approcher des enfants, en la gardant contre moi. Eux aussi étaient bien secoués. De grosses larmes roulaient sur leurs joues.
***quelques secondes plus tard
« Quoi des larmes? Mais je n’en crois pas mes yeux. Mais c’est rassurant. Oui, ça y est. Je vais enfin pouvoir les soigner ! » dit le docteur Mccoy en franchissant les portes de la passerelle et voyant que j’avais les enfants autour de moi. Nous l’avions appelé au moment où Gorgan avait été consumé par sa propre laideur et les larmes des enfants, qui avaient permis de percer son armure. Uhura, sortie de son choc et de sa torpeur de s’être découverte à l’heure de sa mort, s’était aussi avancer pour apporter sourire et tendresse aux petits orphelins. Je sentais sur mon épaule le tissu de mon tee-shirt s’humidifier sous les pleurs de la fillette. Je lui murmurai des mots tendres pour l’apaiser. Elle sanglotait si fort que j’avais l’impression qu’elle pouvait suffoquer d’une seconde à l’autre. Je la serrai fort contre moi pour éponger ses larmes. Je sentais son petit corps trembler contre moi. Elle semblait inconsolable ; à chaque minute un nouveau flot de larmes jaillissait de ses yeux et inondait ma chemise. Ça faisait mal un aussi gros chagrin dans un si petit cœur. Surtout que ce chagrin allait de paire avec un énorme sentiment de culpabilité dont je devrais parler au docteur. Et puis, à l’écart, se tenait le commandant Spock, silencieux et impassible.
***POV de Spock
J’observais ce qui se passait, mais choisis de me tenir à l’écart. C’était pour le moins fascinant. Quel étrange spectacle auquel nous assistions , ces mini humains dont le visage ruisselait de larmes. Les bandes vidéos que j’avais récupérées et fait défiler devant eux avaient provoqué cette réaction. La partie humaine en moi savait plus ou moi déceler ce qui avait pu se passer mais cette sensation faisait remonter en moi des souvenirs que j’abhorrais. Je me sentais tiraillé comme quand j’étais plus jeune, moi l’enfant de deux mondes.
Je décidai de faire ce qu’il, selon moi, convenait de faire et que j’avais besoin de faire, ainsi que je l’avais exposé au lieutenant Uhura peu de temps après avoir vu disparaître ma mère sous mes yeux : continuer d’accomplir son travail de façon admirable et consciencieuse. Voir que l’équipage pouvait poursuivre une mission, même en des heures difficiles, voilà ce que j’attendais. Mais, d’un autre côté, je voyais aussi la façon dont agissait Nyota. Elle faisait si facilement ces gestes, ces gestes qu’une seule personne avait été capable de faire auparavant, des gestes que ma mère avait fait pour moi. Et à bien y repenser, je l’avais vue, à mon égard, manifester la même attention et la même douceur. Je m’approchai d’elle, après que le capitaine Kirk et le docteur Mccoy avaient quitté la passerelle et la pris dans mes bras
«Spock, la joie, la tristesse, l’amour, ne sont pas des faiblesses, ce sont des remparts contre la folie et le mal ! » ajouta-t-elle avant de se hisser sur la pointe de ses bottes noires. C’est alors que je sentis ses lèvres se poser sur les miennes. J’appréciais les courbes de son visage, et quand ses lèvres s’étiraient en ce que les humains appelaient sourire, c’était fascinant.
****POV de Kirk
La petite fille avait fini par s’endormir contre moi et je la portai jusqu’aux quartiers dans lesquels nous avions installé nos jeunes pensionnaires. Avec des gestes très doux et tendres, je réussis à détacher la fillette cramponnée à mon bras ankylosé et la déposai doucement sur son lit, tout en lançant un regard au docteur. Elle remua à peine, doucement, du bout des doigts, j’effleurai la joue de notre petite pensionnaire et l’embrassai tendrement sur le front.
« un petit poids plume qui prend vite de la place dans la vie et le cœur, hein Jim ! » murmura le praticien, en voyant que je massais mon bras.
J’approuvai son commentaire en inclinant la tête en avant et en souriant légèrement. Je revins dans la petite pièce où les garçons attendaient.
« Bon, les garçons, vous faites un petit brin de toilette avant d’aller dormir ! » demandai-je, à voix basse.
« Oh non ! » protesta Don.
« Ça commence ! » ajouta Steeve.
« Pas les dents », râlait Ray, tandis que Tommy attendait près de la porte, les bras croisés. Léonard me regardait. Je sus, en levant les yeux sur lui, qu’il n’allait pas se laisser intimider. Il avait de la ressource.
« Ok, on va faire autrement. Ce soir, on ne se lave pas les dents. On joue aux mimes ! ». Les enfants le regardèrent, intéressés et surpris.
Et de ce fait ; c’est lui qui marqua le point. Comment ? Tout simplement en faisant, avec les enfants, les gestes qui convenaient. Il leur montra ce qu’il attendait d’eux, allant jusqu’à frotter ses dents devant eux, et se rincer la bouche en même temps qu’eux. Les enfants firent, par mimétisme ce que le docteur faisait. Ils trouvèrent cela amusant, et puis Bones avait l’art de faire des grimaces, ce qui les fit rire. Tommy, forcément un peu moins réceptif à cela, n’avait pas encore commencé à se laver les dents. Bones me regarda, avec une mine circonspecte et me dit :
« capitaine, qu’en pensez-vous ? Un défi « cap ou pas cap » pour notre jeune ami ? »
Je lui fis signe de la tête que c’était OK pour moi, à condition bien sûr, que je n’ai pas à mettre du dentifrice dans ma bouche, pas pour l’instant.
« que proposez-vous, docteur ? » lui répondis-je, en entrant dans son jeu.
« sablier holographique ? » proposa Bones.
C’était OK pour moi. Je me dirigeai vers le boîtier de commande, après avoir dévissé la petite trappe. Ce compartiment-là était dissimulé dans le mur, nous n’y avions que très rarement accès et c’était une des raisons pour lesquelles nous avions décidé d’installer les enfants à cet endroit.
J’appuyai sur les boutons et réglai le degré de fragmentation de la lumière. Le rayon, dirigé contre le mur, projetait maintenant un horaire en minutes et secondes.
« Voilà, trois points zéro. Tu as jusqu’à la fin de ce temps pour frotter tes dents. Prêt à relever le défi, Tommy ? » Il sortit de sa mauvaise humeur passagère et fit ce qu’on lui demanda, aussitôt imité par les garçons, qui eurent soudain envie de se relaver les dents, avec le sablier. Nous saluâmes cette plaisante initiative. Bones donna aux quatre garçons un verre d’eau dans lequel il avait versé quatre gouttes d’extraits de plante pour les apaiser et les aider à trouver le sommeil. Nous chuchotâmes un doux « Bonne nuit les garçons » avant de nous retourner. Puis, échangeant un regard avec les deux femmes, nous nous ravisâmes et vînmes serrer contre nous Steeve, Ray et Don.
« Capitaine ? » s’exclama Ray, avant de lancer un regard vers Don.
« c’est vrai ce que Marie a dit, on a été méchant avec vous ! » ajouta Steeve. Bones me regardait, interloqué.
« oui, vous avez été… bah, disons, que. Allez, c’est bon pour ce soir. On en reparlera plus tard !» Quand je m’approchai de Tommy, je me contentai de lui pincer doucement la nuque ; j’avais remarqué que le jeune adolescent un peu emprunté ne semblait pas particulièrement friand de ce type de démonstration affective. En effet, quelques minutes auparavant Christine et le lieutenant Uhura avait embrassé les garçons pour leur souhaiter une bonne nuit et Tommy avait eu un petit geste de recul, comme une crispation.
***quelques pas plus loin dans le couloir. Nous avions décidé d’assurer une veille près de leurs quartiers. Si l’un d’eux ou les cinq se réveillaient, ils auraient besoin d’un adulte à côté. Nous leur avions dit que nous serions là. Bones et moi avions installé deux lits de camps dans la pièce qui jouxtait leur vaste cabine. Pour l’instant, nous étions tous les deux assis contre le mur, les genoux ramenés contre la poitrine, buvant une bière, croquant dans une ou deux friandises et écoutant le silence du couloir. Nous échangions à voix très basse, l’Enterprise filait à mac 3 dans la nuit stellaire, les équipes de quart s’occupaient de la machinerie et des manœuvres, Sulu, Tchekov et Mr Spock étaient à la passerelle, Bones et moi assurions la veille de nuit des enfants.
« Docteur, franchement, elle a bon goût votre bière, avec le dentifrice en bouche ? » J’avais envie de l’asticoter un peu. Il me regarda et porta la bouteille à ses lèvres.
« La première gorgée n’est pas bonne, mais après ça passe. Au moins, je sais qu’ils se laveront les dents correctement. Les actions valent mieux que les discours, parfois, Jim ! Rappelez-vous de ça. Vu ce qui nous attend, il va falloir être ingénieux et persuasifs. »
«Docteur, c’est certain que nous sommes engagés dans une fameuse aventure. »
Étant donné qu’il nous faudrait au minimum cinq à six mois pour rejoindre une planète susceptible de s’occuper d’eux, nous allions aux devants d’un tas de pépins et de prises de tête.
« Pensez-vous vraiment que nous sommes suffisamment armés, et je ne parle pas de torpilles ou de phasers, pour faire face à cette situation ? Nous sommes des explorateurs, pas des éducateurs ! » Ces enfants étaient orphelins, et maintenant qu’on leur avait déboulonné leur « génie lumineux » ils allaient sûrement être un peu déboussolés ! Le docteur posa sa main sur mon épaule :
« Jim, vous m’ôtez les mots de la bouche..., question exploration, pas de doute, on va explorer l’inconnu de la psychologie infantile… et oui, nous allons en voir de toutes les couleurs, je le vois venir gros comme un vaisseau. Et ceci pour la simple et bonne raison que leurs réactions et leurs attitudes va dépendre de plein de facteurs ! »
Je pensai à cet instant à la tête que Mr Spock aurait fait, en nous demandant à quoi aurait pu nous servir des hommes du passé chargés du tri du courrier postal. Nous savions tous les deux que nous allions devoir apprendre à nous débrouiller pour gérer cinq enfants, gérer leurs réactions, leur quotidien, sur un vaisseau qui n’était pas conçu pour eux. Des enfants que nous connaissions, que nous avions subi du temps qu’ils avaient été manipulés, mais que nous n’avions jamais réussi à apprivoiser, jusqu’à ce qu’on parvienne à les détourner de Gorgan.
« De plus, nous ne savons pas depuis quand ils étaient sous l’influence de Gorgan ! Ils étaient incontrôlables et ont tenté de régenter la vie à bord. A voir comment ils vont se comporter maintenant ! On peut s’attendre à tout ! Ils auront des questions, ils risquent d’être dominés par tout un tas d’émotions. »
«D’où cette réflexion à propos d’avoir été méchants. Et bien, mes cadets, ça promet ! » répondis-je.
***Vingt minutes plus tard, la chambrée était réveillée. Cela commença par des bruits légers comme un lit qui grince quand quelqu’un se retourne. Puis nous entendîmes des chuchotements, et nous vîmes un filet de lumière sous la porte. Nous nous levâmes, dans la pénombre du couloir, à peine éclairé par les indicateurs directionnels lumineux.
« Allez, debout capitaine ! » me lança Bones, en poussant la bière de côté, pour éviter que je shoote dedans en me levant. J’avais le pied ankylosé, saleté de fourmis, je grimaçai en remettant ma botte.
« Vous n’auriez pas dû croiser votre pied sous votre jambe, ce n’est pas bon pour la circulation », ajouta t-il de son ton de praticien.
« Toujours soucieux de mon bien-être, hein Doc ? » répliquai-je en poussant la porte de la chambre.
« Hey, les loulous, qu’est-ce qui se passe ? »
« C’est Marie, Capitaine, elle gémissait, et j’crois que Ray, il pleure !» marmonna Steeve, d’une voix ensommeillée.
Je m’approchai de Ray tandis que le docteur Mccoy se penchait déjà au-dessus de la petite fille, son tricordeur à la main. La petite ne réagissait pas, elle était dans un demi-sommeil et la jambe dépassant de la couverture que Bones lui avait donné plus tôt dans la soirée.
« de ce côté là, ça dort. Elle a dû avoir un mauvais rêve ! » chuchota le docteur Mccoy.
Ray avait la tête tournée vers la fenêtre, et pleurait à chaudes larmes.
« Ben alors bonhomme, qu’est-ce-qui ne va pas ? » dis-je en m’asseyant sur le bord de son lit.
« Mes parents me manquent ! J’ai rêvé d’eux ! Ils étaient en train de me parler et… » répliqua le petit gars en se jetant dans mes bras.
Je le serrai contre moi pour le consoler, puis nous restâmes dans cette position pendant un moment. Il finit par s’apaiser et se rendormit. Bones et moi sortîmes de la pièce pour aller sur nos lits de camp installés juste côté.
****POV de Mccoy. Je finis par m’allonger. A côté de moi, Jim était déjà endormi. Je pris un des livres que j’avais emmené avec moi, pour essayer d’apaiser mon esprit qui ne cessait de turbiner sans relâche. Beaucoup de mes compagnons de voyage se fichaient de ma pomme en me voyant avec mes bouquins, car nous lisions tous les rapports et les revues techniques sur écran. Mais la luminosité était nocive pour l’endormissement, alors je m’accrochais aux livres qui m’apportaient un peu de détente et de relaxation. Romans historiques ou fables ésotériques , je lisais un peu de tout. Je sentais que mes paupières s’alourdissaient, alors je n’insistai pas et refermai le livre. Je me tournai sur le côté et laissai venir le sommeil.
Soudain, je sentis, dans mon sommeil, que je n’étais plus seul, je mis du temps à réaliser qu’on me touchait, qu’une masse cherchait à se lover contre moi. Je réglai l’éclairage sur faible et je découvris une petite frimousse ensuquée.
« Mais, qu’est-ce…. ! » m’interrogeai-je à voix basse avant de m’interrompre. C’était Marie qui était sortie de son lit et qui était venue se glisser contre moi. Je l’entendis murmurer un tout petit «papa» dans un demi-sommeil. Elle avait réussi à se faire une petite place, elle était sortie de son lit et elle avait marché jusque vers nos lits de camp. Je mis mon bras autour d’elle et l’attirai contre moi. Elle avait son petit pouce dans sa bouche et avait déjà sombré dans le sommeil. Comme je l’avais dit à Jim « tout petit être qui en peu de temps prend tant de place ».
Le lendemain matin. Je me réveillai sur le sol de la cabine, la mine bien plus froissée que mon tee-shirt noir que j’avais sur la peau. Peu de temps après avoir réalisé que Marie s’était glissée dans mon lit de camp, j’avais somnolé, sans vraiment avoir réussi à me rendormir. Aussi délicatement que possible, j’étais sorti de ma couchette et je m’étais allongé par terre, en me couvrant avec une autre couverture que j’avais prise près des lits de camp. J’avais pris soin de retirer mon polo bleu et l’avais mis en boule dans les bras de Marie, comme je l’avais fait si souvent quand Joanna était toute petite ; pour qu’elle se rassure avec notre odeur. Je décidai de lui laisser et de filer vers ma cabine pour aller récupérer un autre chandail bleu. Je vis que le lit du capitaine était vide. Comme je marchai vers les portes, je remarquai qu’elles étaient déverrouillées. Au moment où j’allais les franchir, je me trouvai nez à nez avec Jim.
« Bonjour ! » me lança-t-il, à mi-voix, avant de me demander si j’avais réussi à prendre un peu de repos.
« J’ai toujours trouvé que le sol de l’Enterprise était confortable ! » murmurai-je, amusé. « Bon, je file jusqu’à ma cabine, je vais récupérer un polo et je pars à l’infirmerie ! »
« Ok, Bones ; pensez à prendre un café, promis ? » Je lui fis un signe de la main, en levant mon pouce pour lui dire que c’était ce que j’allais faire, avant de disparaître dans le couloir.