Pandémie sur Gédéon
Par Saga
. Journal du capitaine StarDate 5425,7 : Notre mission sur Gédéon est terminée et j'en conçois un profond dégoût des autorités de la planète, ainsi que de moi-même, même si je n'ai eu sur les événements aucune prise.. La stratégie Hodin afin de limiter la population à porter ces fruits, presque trop bien, 98 pour cent est contaminée et c'est la survie même de la civilisation Gédéoniènne qui est maintenant en jeu.
. Une seule solution, à partir du sang Odona, synthétisé un remède et l'utiliser sur la population.
. Mais quel pourcentage de la population et qui ?
. - « Ne bousculez pas, s’il vous plaît. Prenez votre billet et mettez-vous à la suite de la file, merci. Inutile de chercher à doubler, monsieur. La sécurité a pour ordre de faire respecter strictement l’ordre établi par les tickets. Ne vous en faites pas madame, inutile de gigoter ainsi, votre tour arrivera bien assez vite. Ici ou là-bas de toute façon. »
. - « Suivant »
. Toutes les têtes en file indienne pointent dans la même direction. Une longue chenille qui se tortille. Excepté le factionnaire qui reste stoïque, et continue de donner des directives.
. - « Avancez d’un pas, je vous prie... Et dans le calme. Merci. »
. Je l’observe depuis mon banc, mastiquant une ration de survie sans goût. L'homme à la mine sévère observe deux jeunes qui commençaient à s’échauffer. Un échange vif, son regard, froid, sans nuances, et le duo de baryton s’est métamorphosé en dociles castrats.
. - « Suivant »
. Le cortège avance docilement.
. - « Suivant »
. Il sourit. Une dame usée n’arrête pas d’avoir des spasmes, l’œil gauche qui s’agite et cherche à castagner l’œil droit. Elle hésite, veut se retirer du lot, se mordille la lèvre. Un dialogue silencieux se joue entre elle et l’ordonnateur. Elle finit par acquiescer et se soumet à la colonne qui avance d’un pas. Quant à lui, il reprend sa gestuelle méthodique.
. Je finis de mâchouiller le caoutchouteux quignon de mon déjeuner, inspire en quête de motivation, résultat, je tousse en avalant de travers, et attend de retrouver mon souffle avant de me lever. J’avance, à la dérobée, incertain, mais trop désœuvré pour échapper à ce phénomène.
. - « Suivant »
. Je me trouve maintenant au milieu du torrent de la foule, je manque de me dissoudre en percutant trois femmes qui ricanent de connivence. Elles ignorent l’impact et continuent le fil de leurs festivités. De mon côté, je recule un peu, manque d’écraser le pied d’un vieil homme, remercie le ciel d’avoir échappé à cette péripétie, puis recommence ma percée. Mais par des chemins détournés, faisant mine d’être de passage. J’ai l’air d’un crabe.
. - « Excusez-moi. J'ai reçu ma convocation et je me demandais quel... »
. - « Suivant »
. Tout à son travail, le préposer ne prend même pas la peine de se retourner.
. - « S’il vous plaît, continuez d’avancer pour faire de la place aux suivants. Merci. »
. - « Monsieur... Je souhaiterais... »
. - « Remplissez ceci »
. Une brochure glissée dans ma main avec un formulaire, et le voilà reparti. Que de politesse.
. Je commence à lire, rien de vraiment nouveau.
. LA GRANDE LOTERIE DE LA VIE. La solution que l’État et le ministère de la population afin de mettre fin à la pandémie ainsi qu'à la surpopulation.
. Toute la population de Gédéon est conviées à recevoir une injection.
. Mais seul un flacon sur cinquante contient le remède, dans les autre un simple placebo.
. Une chance de survie sur cinquante cela peut paraître peu, mais pour les habitants de Gédéon c'est la promesse du paradis.
. - « Suivant »
. Il préposé revient avec sa tablette informatique.
. - « Vous avez rempli, le formulaire ? »
. - « Oui. »
. - « Faite voir ».... « Oui tout est en règle »
. Il me donne un ticket et je me positionne derrière un homme rachitique qui roucoule seul, et en quelques secondes, je répertorie l’intégralité de ma vie. Une biographie sans enjolivures : sexe masculin, taille moyenne, fécond jusqu’à preuve du contraire, a fait vœu de célibat, officiellement, vit avec 17 autres personnes dans un appartement qui sent bon la moisissure, cultive des champignons à ses heures perdues, acteur raté, sans emploi depuis cinq ans, après une apparition sans grâce dans un holo de série B. C’était moi qui apportais le courrier à la quarante-troisième minute.
. - « Suivant »
. Je dévisage les autres. Certains se prennent pour des statisticiens avec leur portable, se basant sur la fréquence des décès pour évaluer leurs chances. D’autres s’enthousiasment à l’idée de l’expérience qui les attend. L’impression d’aller au cinéma en un sens. Et les derniers se demandent ce qu’ils font là en interrogeant le mur sur notre droite, sans oser quitter la file. Ils attendent peut-être que la muraille fonde pour s’échapper. Il est vrai que depuis mon nouvel enclos, j’ai l’impression d’être retenu par un vrai chien de garde.
. Quelques dizaines de « Suivant » plus tard, j’arrive enfin devant l’entrée. Très décevante. J’espérais un gardien en uniforme.
. Le genre d’accoutrement flamboyant qui impressionne. Avec une belle moustache peut-être.
. Rien de tout cela. Seulement un chétif binoclard derrière son guichet qui déchire mon ticket sans sourciller. Sa voix nasillarde me salue tout juste. Il pourrait au moins me souhaiter une bonne chance !
. Quelques minutes s’écoulent.
. - « Suivant »
. La colonne avance d’un pas tandis que l’homme pointe la case suivante, avant d’accueillir d’autres « héros », prêts à saisir leur chance.
F I N