La réalité virtuelle envahit progressivement notre environnement, artistique, publicitaire, mais surtout ludique. Jusqu’ici, tous nos sens étaient trompés, sauf un : celui du toucher. La barrière vient de tomber...
Jusqu’ici, la transmission de sensations tactiles s’appuyait sur le principe de la rétroaction haptique, un procédé qui permet aux utilisateurs de sentir les objets créés en 3D. Mais l’illusion, minée par le poids de cette espèce d’exosquelette (1 kg en moyenne), restait bien imparfaite. La société canadienne Haptic Technologies (Montréal) avait récemment transposé cette technique à un écran tactile spécialement adapté, permettant de sentir les objets tout en les déplaçant.
Takayuki Iwamoto et ses collègues de l’Université de Tokyo viennent peut-être de franchir le pas ultime… en détachant l’interface sensible de son support matériel pour la projeter dans l’espace.
Pour cela, il met à profit certaines caractéristiques des ondes sonores, et plus particulièrement des ultrasons. Le bruit est en effet une onde de pression, comme chacun sait, capable d’exercer une poussée non seulement sur notre tympan, qu’elle met en mouvement. Un objet fin et fragile peut même être brisé de cette manière. Si l’on utilise une série d’émetteurs ultrasonores soigneusement synchronisés, il est possible de focaliser cette onde en un point précis. Et si on approche la main de ce point invisible on pourra le sentir.
Le premier prototype créé par Takayuki Iwamoto comporte 85 cellules d’émission ultrasonores, et ne fonctionne actuellement que dans un plan vertical. Le point de convergence peut être focalisé avec une précision de 1 centimètre, déplacé à volonté ou scindé en plusieurs parties qui peuvent être ressenties simultanément par plusieurs personnes.
Lors d’une démonstration au Siggraph 2008 (à Los Angeles, du 11 au 15 août), l’appareil émetteur était couplé à une caméra qui décryptait la position de la main et commandait le déplacement du point ressenti de façon à donner l’illusion que l’expérimentateur parcourait une surface plane, ou l’arête d’un cube. A l’écran, une image virtuelle complétait l’illusion en combinant la représentation de la main en mouvement en contact avec l’objet rendu visible.
Techniquement, le champ de force, créé par une onde ultrasonore de 1 kHz de bande passante occupait une région spatiale de 30 cm³ avec une résolution de 1 cm. Dans ce volume, ces ondes produisaient sur la main une force équivalant à une masse de 10 grammes.
L’équipe cherche actuellement à affiner la résolution spatiale de l’objet virtuel afin de lui donner une forme précise aussi bien qu’une texture déterminée. Ainsi qu’on pourrait s’en douter, le procédé intéresse de nombreux éditeurs de jeux vidéo. Mais à l’issue de la présentation du Siggraph 2008, l’équipe indique avoir reçu plusieurs propositions de la part de compagnies industrielles.
On pense bien entendu à un affichage tactile interactif où l’opérateur manipulerait directement les éléments d’un graphique en trois dimensions. Le procédé permettrait aussi une meilleure représentation d’un objet en permettant de le sentir.
Mais l’interactivité avec l’objet à la fois visualisé et ressenti pourrait aussi aboutir à une nouvelle forme de télémanipulation à distance. Comme à travers la vitre étanche d'une "boîte à gants", on pourrait ainsi manipuler des objets virtuels et même de très petites tailles puisque le respect de l’échelle n’est pas indispensable.
La projection spatiale d’une image en 3D faisant aussi l’objet de recherches encourageantes, pourquoi ne pas imaginer un neurochirurgien effectuant une intervention en manipulant l'image grossie d'un segment de nerf visualisée par un hologramme flottant au-dessus de sa table de travail, alors que l’opération s’effectuerait sur le patient installé dans une pièce voisine… ou à l’autre bout du monde ?
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