Capitaine… ?
J’ai acquiescé :
- Oui, Docteur ?
J’ai bu une première gorgée du café pour me remonter…
- Tiède…
J’ai posé la tasse sur la table où mes interlocuteurs étaient assemblés, prenant la seule chaise vacante : c’était vraiment écœurant, un café tiède…
- Je peux vous le réchauffer, Capitaine, donnez-moi la tasse !
Je me suis retourné : une créature au teint jaune se trouvait derrière le comptoir.
- Ehm… Oui, pourquoi pas…
J’ai laissé ma tasse au comptoir, et l’individu au visage tatoué parut étonné :
- La dernière fois que Neelix a voulu réchauffer un bol de lait, il a pratiquement fait sauter le mess.
- Pratiquement ? Vous voulez rire, j’ai eu au moins vingt blessés dans mon infirmerie !
- Vous êtes méchants, les circuits bio-neuraux n’étaient pas calibrés correctement.
- Bon, ça suffit. J’ai donné mon café à réchauffer à Neelix, c’est tout.
Je me suis rassis :
- Et puisque vous êtes là, Docteur, si je suis totalement irradié en buvant le café, vous pourrez toujours me soigner…
- Comme d’habitude, je dois pallier à l’inconscience des autres…
La créature nommée Neelix me rendit la tasse.
Elle avait l’air parfaitement normale. J’ai touché l’anse avec appréhension sous les regards de « mon équipage » :
- Vous êtes sûre de vouloir tenter l’expérience ?
J’ai bu une première gorgée en songeant que ça ne pouvait pas être aussi dangereux…
- Hmmm… C’est bien meilleur ainsi.
L’individu tatoué sourit :
- Toujours prête à tenter l’inconnu.
- C’est pour cela que nous sommes ici, n’est-ce-pas ?
- Pas vraiment.
- Ne sommes-nous pas des explorateurs ?
Le Docteur haussa les épaules :
- A l’origine, ce vaisseau doit explorer, oui… Mais notre but est avant tout de regagner notre quadrant dans les plus brefs délais possibles.
Regagner notre quoi… ?
- Oui, je sais. J’essaie seulement de m’en distraire…
L’individu tatoué acquiesça :
- Je vous comprends. Cette situation est pesante pour nous tous.
- Personnellement, je n’ai jamais récolté autant de substances curatives inconnues que depuis ces cinq derniers jours ! Cette zone du quadrant Delta regorge de curiosités !
Quadrant… Quadrant Delta… Qu’est-ce que cela voulait dire… ?
Je me suis levé après avoir achevé mon café :
- En attendant de regagner notre quadrant, je regagne mes quartiers.
- Un bon repos vous fera le plus grand bien : je vous trouve un peu ailleurs, Capitaine.
- Merci pour l’approbation, Docteur…
Je suis sorti de ce qui devait être le « mess ».
J’ai levé les yeux :
- Ordinateur, indique le chemin pour mes quartiers.
Veuillez suivre les indications lumineuses sur les panneaux de contrôle.- Parfait…
Je suis parvenu aux quartiers de Janeway : ici au moins, je pourrai être tranquille.
L’intérieur était assez sobre, une fois de plus. Un écran trônait sur l’unique bureau :
- Tiens, qu’y a-t-il là-dedans…
On dirait une sorte de journal… Cela pourrait m’en apprendre plus.
- Ordinateur, lecture du journal de bord du Capitaine.
Lecture initialisée.Je me suis assis au fond du fauteuil : confortable…
Nous venons de passer la Ceinture de Comètes. J’ignore encore si ce détour est bien perçu par l’équipage…- Ordinateur, arrête la lecture, et remonte aux pages plus anciennes.
Cela ne m’apprenait pas grand-chose.
L’ordinateur tinta :
Entrées antérieures affichées.J’ai lu le journal : apparemment, ils avaient été envoyés à des milliers d’années-lumière de la Terre par une entité extra-terrestre supérieure qu’ils nomment Pourvoyeur, et ils essaient de rentrer…
- Bravo…
La porte virtuelle s’ouvrit soudain, laissant passer Al :
- Sam ! Je te retrouve !
- Al, c’est une folie, ici ! Je ne comprends rien à ces histoires de date stellaire !
- D’après Ziggy, tu te trouves juste quelques décennies après la mission où Barclay a permis à l’Enterprise de découvrir une « civilisation arachnéenne pré-distorsion »…
Il sourcilla :
- Il aurait été touché à l’épaule par une de ces flèches empoisonnées lors d’une nouvelle excursion. Il s’en est tiré à bon compte, mais son ADN semble s’être détérioré et… Modifié ?!
- C’est très intéressant, tout ça, mais là, je suis Katrhyn Janeway, pas Barclay !
- Oui, oui, je cherche… C’est de plus en plus difficile de trouver des informations…
L’Interrogateur semblait littéralement brûler dans sa main :
- Ohlà… Techniquement, revenir sur Terre prendrait 75 ans à vitesse maximale…
- Je ne suis tout de même pas censé trouver un moyen de ramener ce vaisseau sur Terre ?
- Je me base sur les spécifications techniques du vaisseau. Je vais te faire le point de la situation : tu commandes un vaisseau de Classe Intrépide nommé
Voyager.
Il regarda son Interrogateur :
- J’ai la fiche des Officiers Supérieurs : ton second est un… Vulcain. Oui, c’est ça, il s’appelle Tuvok. Tu as aussi un adjoint humain nommé Chakotay.
- Il n’aurait pas des tatouages sur la figure ?
- Oui, j’imagine que tu l’as déjà rencontré.
J’ai soupiré :
- Rassure-moi : je suis bien humaine…
- Oui, Kathryn Janeway est originaire de la Terre.
- C’est déjà ça. Tu as quelque chose au sujet de ce « Vulcain » ?
- J’essaie de trouver les spécificités de l’espèce, mais Ziggy n’a rien…
Une fois de plus, je navigue dans le flou total :
- Ecoute, la dernière fois, je me suis trouvé en face d’une espèce télépathe qui m’a presque immédiatement démasqué. Je tiens à savoir si les autres aliens de ce vaisseau sont capables…
L’on sonna à la porte.
- Bon, je te laisse, il vaut mieux ne pas prendre de risques.
Il disparut par la porte virtuelle.
- Oui, entrez… ?
Un homme de race noire aux oreilles étrangement pointues s’avança :
- Je ne vous dérange pas, Capitaine… ?
- Non, je faisais le point sur… Le contournement de la Ceinture de Comètes…
L’homme aux oreilles pointues n’affichait aucune expression. L’avais-je convaincu ?
- Je viens justement vous faire le rapport de la situation.
- Le rapport de la situation ? Que pense l’équipage ?
- Comme d’accoutumée, il est assez peu réjoui de vos détours d’exploration.
- Nous avons une mission avant tout. Quoi d’autre ?
Il me tendit une tablette numérique :
- Tout est consigné ici, Capitaine. Je vous laisse en prendre connaissance.
J’ai lu les informations : peut-être cela allait-il m’en apprendre plus sur « mon équipage ».
- Je vois pourtant quelqu’un de réjoui, ici…
- Il s’agit du Docteur, Capitaine. Cet arrêt impromptu a été d’un grand intérêt scientifique.
Le Docteur…
- Pourquoi n’indique-t-il pas son nom ici ?
- Parce qu’il ne s’est toujours pas choisi un nom, Capitaine.
J’ai feint la surprise :
- Toujours pas ?
Une note attira mon attention :
- « Ce détour était profondément illogique en dépit de son aspect informatif majeur… ».
- Cela n’est que mon opinion parfaitement subjective, Capitaine. Mais je tenais à vous en faire part.
Alors, Tuvok, c’était lui…
- Vous avez bien fait, Tuvok. Je préfère connaître l’avis de mon second.
Je lui ai rendu la tablette :
- J’y attache une très grande importance.
- Je le sais, Capitaine.
- Vous pouvez disposer.
- Bonne journée, Capitaine.
J’ai soufflé : apparemment, ce Vulcain ne représentait aucun risque pour moi… Mais mieux valait être sûr de mon avantage…
- Ordinateur, que peux-tu me dire au sujet des Vulcains ?
Les Vulcains sont une espèce extra-terrestre originaire de la planète Vulcain. Leur force et leur agilité dépasse celle des êtres humains, en raison des conditions sur leur planète d’origine.L’ordinateur tinta :
Les Vulcains ont acquis le contrôle de leurs émotions, privilégient la logique, et sont exclusivement végétariens. Ils sont également télépathes, avec la restriction suivante : ils doivent établir un contact physique direct. Ah, d’accord… Mieux vaut éviter que ce Tuvok ne me touche…
Avec cet ordinateur du futur qui m’offrait sans broncher toutes les informations sur qui je souhaitais, ma mission ici allait probablement être facilitée…
- Ordinateur, affiche sur mon écran toutes les entités télépathes à bord du
Voyager.
J’ai consulté le registre : il était plutôt court, mais il semblait y avoir un Bétazoïde de plus.
- Je pense avoir peu de chances de le rencontrer…
Et cela ne m’avançait pas plus : j’ignorais encore totalement ce que j’étais censé faire ici.
- Ordinateur, quel est le cap enregistré ?
Cap enregistré : Quadrant Alpha.- Y a-t-il des… Perturbations détectées sur le chemin ?
Précisez la nature des perturbations.Je ne connaissais pas les trois quarts des perturbations possibles dans le secteur…
- Fin de la demande.
L’on sonna à la porte :
- Entrez.
Le Docteur s’avança vers moi pour me serrer la main.
Je lui ai accordé la poignée de main :
- Que me vaut cette visite en privé, Docteur ?
- Je vous ai trouvé un peu fatiguée, Capitaine. Je connais déjà la réponse, mais accepteriez-vous que je vous examine ?
J’ai hésité : s’il m’examinait, son scanner allait probablement dévoiler mon imposture…
Mais Janeway se soumettrait-elle ou non à un examen médical ?
- J’apprécie votre intérêt, Docteur, mais je manque seulement de sommeil.
- Je m’en doutais. Même couverte de brûlures de plasma, vous refuseriez un simple examen…
Il n’avait même pas pris la peine de sortir un quelconque appareil médical.
- Et pour votre nom, avez-vous avancé ?
Le Docteur parut surpris :
- C’est à mon tour d’apprécier votre intérêt, Capitaine. Comme toujours, vous souhaitez que l’on me considère comme une vraie personne… Mais j’avoue n’avoir pas choisi…
Une « vraie » personne ?
- C’est naturel, Docteur. Vous êtes aussi important que n’importe quel membre de cet équipage.
Le Docteur parut profondément touché.
- B… Bien, je vais… Retourner à l’infirmerie… Merci, Capitaine…
- Je vous en prie, faites donc…
Il passa les portes. J’attendis un peu, intrigué : une « vraie » personne ?
- Ordinateur, de quelle espèce est le Docteur ?
L’Ordinateur tinta :
Dénomination « Docteur » attribuée au programme H.M.U. affilié au vaisseau Voyager.- Un programme H.M.U. ? Ordinateur, définis H.M.U.
H.M.U., Hologramme Médical d’Urgence.Alors, j’avais eu affaire à un hologramme ?
Pouvait-il voir Al ?
- Sam ! Sam, Ziggy vient de me communiquer des informations sur le « Docteur », tu devrais entendre ça, c’est épatant !
- Je sais, Al, le Docteur est un programme holographique.
- Comment tu as appris ça ?
J’ai haussé les épaules :
- Cette intelligence centralisée me donne toutes les informations que je lui demande sur le personnel de ce vaisseau sans me poser la moindre question.
- C’est formidable, ça !
- Ziggy t’a-t-il dit pourquoi je suis là ?
Al eut un tic de bouche plus loquace que lui :
- Pas vraiment. Ta mission semble étroitement liée au « Docteur ».
- C’est programme informatique… Que peut-il lui arriver ?
- Je n’en sais rien. Ziggy a du mal à établir des connexions, mais il semble que le programme original du « Docteur » ait été largement modifié pour bien autre chose que la médecine.
Modifié ?
- Tu peux être plus clair ?
- Disons qu’il intègre presque toutes les caractéristiques d’un véritable être humain. C’est toujours un flux de particules lumineuses, mais il a de nombreux centres d’intérêt…
- C’est une bonne ou une mauvaise chose ?
Al ne parut pas pouvoir le déterminer :
- A vrai dire… Sa base de données serait surchargée, provoquant une erreur système fatale…
- « Serait » ? Tu veux dire que ça va arriver, ou que ça peut arriver ?
- L’un comme l’autre, en fait. Il se peut que ce soit ça, le but de ta mission : empêcher la surcharge. J’ignore encore ce que cela peut entraîner, à part la destruction du programme du « Docteur ».
C’était triste… Une entité artificielle qui tente de devenir plus humaine…
- Le Capitaine semble beaucoup l’estimer. Ce serait une grande perte pour le vaisseau.
- D’après les données de Ziggy, le « Docteur » est actuellement le seul médecin à bord.
- Ah, génial… Donc, ma tâche est de veiller sur un programme informatique qui tend à s’améliorer trop vite, et qui accessoirement est la seule entité capable de soigner tout un équipage ?
Al parut désolé pour moi :
- Basiquement… Oui, c’est ça ta mission.
- Bon…
Je me suis dirigé vers un synthétiseur :
- Une tablette numérique.
Le synthétiseur m’offrit précisément ce que je voulais.
- Ordinateur, charge les plans du vaisseau dans la tablette que je viens d’obtenir.
Copie des plans effectuée.- Transfère la commande vocale à la tablette. Code d’activation… Sam.
Commande vocale activée.Al me dévisageait comme si j’étais un… Vulcain ? Bétazoïde ? Rien de terrien, en tous les cas.
- Eh ben, tu as l’air de bien te débrouiller dans ce siècle…
- Je te remercie. Sam, indique-moi le chemin de l’infirmerie.
Les plans du vaisseau bougèrent sur ma tablette, me localisant d’abord, puis traçant la voie vers la destination réclamée.
C’était fantastique… Plus de technologie que je n’en avais tenue dans toute une vie…
- Bien, allons-y, Al. D’après mes informations, seul le Docteur pourrait te voir.
- C’est une bonne chose. Je ne tiens pas à tomber sur un autre LaForge…
J’ai suivi les indications de « Sam », Al sur mes talons.
- Ordinateur, peux-tu donner à l’hologramme « Al » l’apparence d’un membre d’équipage ?
Al revêtit alors un uniforme ressemblant à celui que portait « Tuvok », les galons en moins.
Apparence de l’Hologramme « Al » reconfigurée selon les paramètres requis. - Très astucieux. Comme ça, si quelqu’un peut me voir, il croira que je t’assiste dans ton travail !
- C’était le but, et je pensais surtout au « Docteur ». Je commence à m’y faire…
- L’infirmerie est juste au bout de ce couloir…
Le plan sur « Sam » me l’indiquait en effet. J’ai passé les portes :
- Bonsoir, Docteur.
- Capitaine ?
Le « Docteur » s’était relevé précipitamment, l’air surpris de me voir.
- Je ne vous dérange pas ?
Le « Docteur » secoua la tête :
- Pas du tout, Capitaine ! Juste quelques précipités à… Oh, mais qui est-ce ? Je ne l’avais encore jamais rencontré…
- C’est… L’Enseigne Albert Calavicci. Il est en salle des machines, vous savez…
- C’est curieux, il n’est jamais venu à la visite médicale…
Je pressentis qu’il faisait des recherches sur Al. J’ai murmuré, plaquant « Sam » sur ma poitrine :
- Sam, ajoute le profil d’Albert Calavicci sur la liste des ingénieurs à bord du
Voyager, et précise une date d’embarquement similaire à celle de Janeway.
- A qui parlez-vous… ?
- A personne, je fais état de la dernière mission à moi-même…
Le « Docteur » se pencha sur sa console et sourcilla :
- Tiens, c’est pourtant vrai, il a embarqué comme tout le monde à l’inauguration du vaisseau…
- Je suis de ceux que l’on ne voit pas, Docteur…
- Vous devriez venir aux visites médicales. Nous sommes constamment exposés à des bactéries inconnues potentiellement létales… Si nous commencions ?
Il sortit son scanner et le tendit vers Al.
- Sam, suspends le programme H.M.U.
Le « Docteur » se figea, scanner en main. Al souffla :
- C’était moins une… Il n’a rien enregistré, apparemment…
- Je vais profiter de ce sursis pour analyser son programme.
C’était assez compliqué de décrypter cette base de données : quel fouillis, là-dedans ! Musique, théâtre, peinture, botanique, étude des minéraux, photographie...
- Sexe ?!
- Pas si fort !
- Sérieusement, Al, cet hologramme s’est ajouté un sous-programme relatif à la sexualité !
Al haussa les épaules :
- Probablement à des fins médicales, les interactions intimes avec des créatures étrangères…
- J’avais déjà extrapolé cette possibilité, mais regarde de plus près…
Al s’approcha et sourcilla :
- C’est la panoplie complète… Ferme-moi ça, et accède plutôt à sa mémoire…
Les fichiers mémoriels ne furent pas difficiles à trouver, mais…
- C’est encrypté…
- Il y a un code pour ça… ? Probablement pour éviter qu’un intrus ne trafique la mémoire du seul médecin à bord. Ils ont peut-être déjà eu ce genre de problèmes…
- Je vais tenter de contourner le système…
Finalement, seule une partie précise de la mémoire du « Docteur » était encryptée, ce qui me permit d’accéder à des informations assez importantes :
- Il compte ajouter des sous-programmes cognitifs complexes. Je ne sais pas de quoi il s’agit.
- Il doit déjà disposer de programmes très complets pour analyser et comprendre une situation, pourquoi aurait-il besoin d’autres sous-programmes ?
J’ai secoué la tête :
- Je n’en sais rien… Ce fichier-mémoire parle d’extrapolations fantaisistes sur des faits réels…
- La base de données contient-elle déjà ces sous-programmes ?
- Il en a téléchargé des ébauches… Ce n’est pas la totalité, je pense… Mais ces fichiers pourraient être à l’origine de la surcharge fatale de son programme…
Al acquiesça :
- Il faudrait savoir en quoi ils consistent exactement, pour déterminer s’ils sont dangereux ou non.
- Il nous faudrait un cobaye pour ce genre d’expérimentation…
Al s’aperçut que j’avais levé la tête vers lui et se recula :
- Ohlà ! Je pourrais être totalement réduit en microsoudures, tu y as pensé ?!
J’ai haussé les épaules :
- Tu es le candidat idéal, pourtant… Ordinateur, isole les sous-programmes cognitifs chargés dans la base de données du H.M.U. et transfère-les à l’hologramme « Al ».
- Eh, je peux donner mon avis ?!
Transfert effectué. J’ai acquiescé :
- Donne-le.
- Laisse tomber.
- Ordinateur, active les sous-programmes cognitifs transférés à l’hologramme « Al ».
Sous-programmes activés.Al attendit quelques minutes sans prononcer un mot, les bras croisés. Il haussa les épaules, l’air profondément dubitatif :
- Il ne se passe absolument rien.
- Peut-être qu’ils ne sont pas compatibles avec la technologie qui t’anime…
- L’ordinateur du vaisseau ne semble pas de cet avis, il a fait ce que tu lui as dit.
Il baissa les yeux :
- Ziggy affirme que les sous-programmes ajoutés sont actifs… Mon Dieu !
- Que se passe-t-il ?!
- Sam, il faut filer d’ici, ça va exploser !
J’ai regardé autour de moi : tout avait l’air parfaitement normal.
Al courait pourtant vers l’extérieur, en panique. Je l’ai suivi, par curiosité, laissant le « Docteur » figé dans son infirmerie.
- Al, il n’y a rien du tout là-dedans…
- Ce Vaisseau tremble de partout ! Il va se désintégrer !!!
Rien ne bougeait.
J’ai sourcillé :
- Ordinateur, désactive les sous-programmes transférés à l’hologramme « Al ».
Al cessa brutalement de courir et secoua la tête :
- Je… Je ne comprends pas… Tout a l’air normal…
- Je crois que ces sous-programmes t’ont fait halluciner.
Al haussa les épaules, me raccompagnant à l’infirmerie :
- Pourquoi un hologramme voudrait-il de sous-programmes qui le font halluciner ?
- Je n’en sais rien, mais il y a forcément une explication logique…
- Peut-être veut-il expérimenter l’effet des psychotropes pour mieux soigner les drogués…
- Je crois que ses aspirations sont au contraire très éloignées de la médecine…
Je regardais le « Docteur », toujours immobile.
- Alors, à quoi pensait-il quand il a chargé ces sous-programmes ?
- A mon avis, c’est du travail artisanal, pas des sous-programmes créés par des professionnels… Ces sous-programmes ne sont probablement pas encore au point. Je vais fouiller ses fichiers pour savoir à quoi ils devaient servir…
La recherche me prit plusieurs minutes, pendant lesquelles Al resta à l’entrée pour s’assurer que personne ne venait. Je lui avais donné l’apparence du « Docteur », et l’on avait caché celui-ci, juste en cas d’urgence médicale…
- Tu trouves quelque chose… ?
- Je crois que j’ai un début d’hypothèse… Notre « Docteur » veut pouvoir rêvasser.
Al sourcilla :
- Rêvasser ? Il s’ennuie probablement pour avoir tellement besoin de ce genre de divertissements, c’est absolument cauchemardesque !
- Quoi qu’il en soit, ces programmes en l’état actuel sont une menace pour lui et pour le vaisseau… Je vais tenter de les rééquilibrer… Ordinateur, redonne son apparence précédente à « Al ».
Après avoir retravaillé les codes des sous-programmes, y intégrant un accès externe afin de parer à toute éventualité, j’ai effacé des fichiers-mémoire du « Docteur » pour qu’il ne se souvienne pas de ce qu’il allait faire et retransféré les sous-programmes améliorés à sa base de données :
- Ordinateur, remets en route le programme H.M.U.
- Capitaine ?
J’ai souri :
- Je ne vous dérange pas, Docteur ?
- Pas du tout, juste quelques précipités à… Oh, mais qui est-ce ? Je ne l’avais encore jamais rencontré…
- L’Enseigne Albert Calavicci. Ingénieur, il est trop occupé pour des visites médicales.
Le « Docteur » remarqua qu’il avait son scanner en main :
- Eh bien, puisque vous êtes ici, je propose que…
J’ai posé la main sur le scanner :
- J’ai dit : « Il est trop occupé pour des visites médicales. »
- Ah… Bien, Capitaine… Pourquoi êtes-vous ici tous les deux, alors ?
J’ai feint l’innocence :
- Simple inspection des équipements médicaux. Comme vous le savez, nous avons encore du chemin à faire, et je tiens à m’assurer que tout fonctionne selon des paramètres optimaux avant qu’une nouvelle catastrophe ne nous tombe dessus.
- Vous avez raison ! On n’est jamais trop prudents, j’ai d’ailleurs effectué un autodiagnostic.
J’ai sourcillé :
- Un autodiagnostic ? Pour quelle raison ?
- Eh bien, je… Disons que j’expérimente de nouveaux sous-programmes, et je tenais à m’assurer que sa simple présence dans mes fichiers n’allait pas perturber ma matrice…
- Et comment cela se présente-t-il ?
Le « Docteur » haussa les épaules :
- Tout est en ordre. Je pense qu’ils sont prêts à être activés.
- Si ces sous-programmes vous posent le moindre problème, n’hésitez pas à m’en parler.
Le « Docteur » me dévisagea, l’air un peu étonné :
- Votre intérêt me touche beaucoup, Capitaine…
Je n’ai rien répondu, quittant l’infirmerie avec Al.
- Bien, tu as remis de l’ordre dans ces sous-programmes.
- Je suppose que cela ne suffira pas, sinon je serais déjà reparti. Ziggy ne te dit rien sur l’évolution de la situation… ?
- J’essaie de savoir ce que ton action a changé… Ziggy a du mal à me répondre…
Al se redressa soudain, laissant l’Interrogateur chuter sur le sol, et s’enfuit en hurlant.
- Al ? AL ?!
Par réflexe, je voulus ramasser l’Interrogateur, mais évidemment, je ne pouvais même pas l’effleurer du bout des doigts…
- Oh, bravo… On dirait que les sous-programmes se sont réactivés chez Al…
Cela ne pouvait vouloir dire qu’une chose…
- Laissez-moi passer ! Le Vaisseau est en grand danger !
Le Docteur venait de passer devant moi, courant si vit que j’ai tout juste eu le temps de le reconnaître : il semblait suivre la même trajectoire qu’Al.
- Bien, mieux vaut les prendre en chasse…
Je me suis mis à courir, redemandant régulièrement à « Sam » de localiser le « Docteur » afin de ne pas le perdre. Finalement, je les ai retrouvés en Salle des Machines…
- Eloignez-vous, Enseigne Calavicci ! Je sais exactement quoi faire !
- Vous ne comprenez pas ? Ce truc va exploser, on est foutus !!!
- Ressaisissez-vous, Enseigne !
Une jeune femme au faciès étrangement dessiné les approcha :
- Heu, excusez-moi, mais que faites-vous ici ?
- Lieutenant Torres, vous arrivez bien ! Le Cœur du Réacteur va entrer en fusion ! Il faut absolument l’éjecter d’urgence !
- Numéro Un : le Cœur du Réacteur fonctionne très bien…
Elle hurla à l’adresse des deux hologrammes :
- NUMERO DEUX : ICI C’EST MON DOMAINE, ET JE NE SAIS PAS QUI EST CET HOMME, ALORS SI VOUS VOULEZ FAIRE MUMUSE, IL Y A UN HOLODECK POUR CA !!!
- Ehm… Bien, Lieutenant… Nous… Nous allons partir…
- J’entends bien, oui.
Elle repartit à ses occupations, et les deux hologrammes vinrent vers moi. Le « Docteur » releva les yeux et nota ma présence :
- Capitaine… ?
J’ai acquiescé :
- J’ai tout vu, Docteur.
Il parut perdu. Al souffla :
- Sérieusement, pourquoi vouloir s’amuser de la sorte ?!
- Oh… Je ne comprends pas…
J’ai posé la main sur l’épaule du « Docteur » :
- Suivez-moi, quelque chose ne va pas avec vos nouveaux sous-programmes…
Alors, vous venez du passé, cet homme est un hologramme qui vous accompagne, et vous avez testé mes nouveaux sous-programmes sur lui pour savoir s’ils n’étaient pas dangereux…
- J’ai de bonnes raisons de croire qu’ils vous causeront de graves problèmes plus tard.
- Dire que je voulais seulement connaître la rêverie… Etre plus humain…
- Je comprends parfaitement, Docteur…
J’ai tapoté son épaule :
- Voyez-vous, cela fait un certain temps que je n’ai pas réellement de vie à moi. Je ne fais que passer d’une personne à une autre, à tenter de « rectifier des erreurs », puis à repartir encore…
- Cela doit être déroutant.
- Pas aussi déroutant que lorsque j’ai atterri dans ce siècle.
Je me suis remis derrière la console :
- Bien, nous allons tenter de contrôler ces sous-programmes.
Nous avons travaillé pendant plusieurs heures, laissant le « Docteur » gérer les urgences médicales qui se présentaient : il n’était pas essentiel pour ma manœuvre qu’il reste inactif. Il donnait comme raison à ma présence ici -ou plutôt celle du Capitaine-, que j’effectuais une vérification globale.
A ceux qui s’étonnaient que le Capitaine s’en charge, on leur montrait qu’un ingénieur qualifié, en l’occurrence Al, me secondait dans ma tâche.
- Je viens de retirer les programmes de ta base de données. J’avais omis de les retirer, c’est pour ça qu’en s’activant chez le « Docteur », ils se sont aussi activés chez toi.
- Et pour moi ? Pourrai-je conserver ces sous-programmes ?
J’ai souri :
- Avec un peu de doigté, je devrais pouvoir les rendre parfaitement stables…
- Merci infiniment, Capitaine… Je veux dire, Docteur Beckett…
- Ne vous inquiétez pas. Si ces sous-programmes sont la raison de ma venue, vous retrouverez votre chère Capitaine Janeway en moins de deux.
Le « Docteur » soupira.
- J’ai dit quelque chose de déplacé ?
- C’est-à-dire que…
Il secoua la tête :
- Non, rien…
J’ai poursuivi ma stabilisation des sous-programmes : c’était un vrai travail de fourmi…
- En réalité… J’aimerais le confier à quelqu’un qui ne risque pas de…
- Confier quoi ?
- Non, ce n’est pas une bonne idée…
- Dites toujours, j’ai pratiquement terminé.
Le « Docteur » soupira encore :
- Vous allez bientôt partir, et vous retrouver n’importe où… Vous ne pourrez pas lui dire…
- Dans l’absolu, je ne pourrai rien répéter à qui que ce soit… Enfin, tout dépend de qui ne doit pas l’entendre, bien entendu…
- Le Capitaine Janeway.
J’ai sourcillé, me détournant de mon activité un instant :
- Qu’a-t-elle ? Est-elle malade ?
- Non, non, je… Ecoutez… Je sais que ce n’est pas à elle que je m’adresse en ce moment, alors…
Il ferma les yeux, semblant prendre une profonde respiration alors que j’achevais mon travail :
- Il y a longtemps que je le dissimule, mais… Je vous aime, Kathryn Janeway, et…
Ne devrions-nous pas contourner cette nébuleuse ?
- Hmmm ?
Je me suis redressé, un peu hagard : où était le tableau de commandes ?
- Je… Je…
Apparemment, j’étais sur la Passerelle d’un de ces vaisseaux spatiaux…
Mais il était évident que je n’étais pas le Capitaine : celui-ci trônait sur son siège, et avait l’air plutôt inquiet :
- Etes-vous sûr que tout va bien… ?
- Je… Je demande la permission… D’être relevé quelques minutes…
- Permission accordée.
J’ai quitté la Passerelle : j’avais besoin de faire le point. Qui suis-je, maintenant ?
- Ordinateur, indique-moi le chemin de mes quartiers.
Veuillez suivre le fléchage lumineux.Bon, c’était déjà ça. Le vaisseau avait l’air moins avancé que l’Entreprise ou le
Voyager, mais au moins, il y avait cet Ordinateur qui pourrait tout me dire…
Je suis parvenu aux quartiers de la personne que je remplace, décidant de trouver un miroir…
- Bon, voyons ça…
Quand j’ai aperçu mon reflet, je n’ai pu m’empêcher de remarquer mon teint étrange, entre le vert et le jaunâtre, mes sourcils arqués, ma coupe au bol…
- Mais c’est quoi, ça ?!
Sous le peu de cheveux à cet endroit, je pouvais voir mes oreilles… Et elles n’étaient pas rondes… J’ai dégagé mon cou : visiblement, ça poussait un peu plus que d’habitude…
- J’ai… Des oreilles pointues ?!
Des oreilles pointues… Non…
- Ordinateur…
Je me suis assis, essayant de me calmer :
- Peux-tu me préciser… A qui sont ces appartements… ?
Appartements actuellement attribués à l’Officier en Second de l’Entreprise, Mr. Spock.- Spock…
Pas un nom humain…
J’ai soufflé, craignant la réponse :
- De quelle espèce Mr. Spock est-il exactement ?
L’Ordinateur tinta :
Vulcain.- Oh, bravo…