Type de fic: post série
Personnage principal: amiral Kathryn Janeway
Après la nuit, il y a toujours la lumière…
San Francisco, 2379Une pièce, plongée dans l’obscurité. On aurait pu croire qu’elle était inoccupée mais un œil exercé pouvait apercevoir une tête dépassant de l’un des fauteuils.
Kathryn Janeway était assise devant la baie vitrée de son salon, encore en uniforme, les yeux fixés devant elle mais elle ne regardait pas ce qu’elle voyait. Cela faisait près d’une heure qu’elle était rentrée de son bureau de Starfleet Command et elle n’avait pas bougé de là, réfléchissant dans le noir. Elle avait désespérément besoin de ce moment de calme sous peine de craquer nerveusement. Depuis que le
Voyager était revenu sur Terre, voici près d’un an, elle n’avait pas eu un moment de répit. De commissions d’enquêtes en célébrations diverses, elle n’avait eu aucun moyen de pouvoir se retrouver un peu elle-même.
L’équipage du vaisseau miraculé avait été abondamment fêté et son odyssée commentée par tous les médias terriens et intergalactiques. Elle-même avait été présentée comme un capitaine aux nerfs d’acier qui avait su prendre les bonnes décisions au bon moment, mais elle était incapable de se voir ainsi. Elle avait failli à plusieurs reprises, et vivait avec le poids de cela. Elle avait ramené son équipage à bon port, une masse d’informations énormes sur le quadrant Delta mais elle n’oubliait jamais le prix payé pour cela. Trop de personnes y avaient laissé la vie après qu’elle seule ait pris la décision de sauver les Ocampa, causant ainsi sept années d’errance et elle vivait chaque jour avec ce poids. Le retour sur Terre n’avait pas atténué son sentiment de culpabilité dont elle ne s’était ouverte à personne. Elle ne l’aurait pas voulu, d’ailleurs, estimant que c’était à elle de porter sa propre croix.
A présent, elle était devenue un vice-amiral et l’équipage du
Voyager avait été partiellement dispersé. Tom et B’Elanna Paris étaient restés sur Terre, élevant la petite Miral. B’Elanna enseignait en section technique à l’Academy et Tom avait pris une année sabbatique, ne sachant pas encore s’il allait vraiment réintégrer Starfleet. Le reste de l’équipage était soit resté en place, soit muté.
Quant au
Voyager, après avoir été étudié pendant six mois et avoir fait l’objet d’une enquête des plus approfondies, on l’avait confié à Chakotay qui en avait pris le commandement. En effet, au vu de ses impressionnants états de services, la commission d’enquête avait décidé d’oublier fort opportunément son séjour dans le Maquis. Janeway avait soutenu la décision, car elle le connaissait très bien et savait à quel point il ferait un excellent capitaine. Seven était restée avec lui sur le
Voyager et c’était probablement le meilleur endroit où elle pouvait être au vu de la curiosité quasi déplacée dont elle avait fait l’objet à leur retour. Elle avait fait tout ce qu’elle avait pu pour éviter que les scientifiques ne l’étudient comme un rat de laboratoire, leur disant que le secret de la défaite des Borgs se trouvait dans les bases de données du Voyager et insistant sur le fait que Seven était un individu qui avait des droits. Elle avait toujours eu beaucoup d’affection pour la Borg qu’elle avait guidée vers l’individualité comme une mère aide un enfant qui apprend à marcher, mais elle avait l’impression à présent que cette enfant avait quitté le cocon familial pour voler de ses propres ailes.
Malgré le soulagement d’être de retour sur Terre, elle ne parvenait pas à reprendre sa vie là où elle l’avait laissée huit ans auparavant. Son expérience l’avait beaucoup transformée, au point même que sa mère et sa sœur avaient eu peine à la reconnaître quand elles l’avaient revue. Quand elle était partie, sa vie était équilibrée, elle était fiancée et venait d’obtenir son commandement, tout allait bien pour elle. A présent, elle avait peut-être eu une promotion mais sa vie personnelle était en lambeaux vu que Mark, la croyant morte, vivait avec une autre femme. Que lui restait-il ? Sa carrière, voilà tout, et elle s’y investissait le plus possible pour oublier le fiasco des autres aspects de sa vie. A présent, elle atteignait un âge où elle ne pouvait plus que rarement espérer fonder une famille, et de ça aussi elle avait pris son parti. Elle se consolait quelque peu en étant la marraine de la petite Miral Paris. Celle-ci était le soleil de son existence et la fille qu’elle n’aurait probablement jamais. Elle voyait aussi régulièrement la petite Naomi, avec laquelle elle avait une relation privilégiée depuis sa naissance. Celle-ci voulait toujours autant intégrer Starfleet et elle l’avait assurée que, si tel était toujours son désir quand elle en aurait l’âge, elle lui ferait une lettre de recommandation.
Voilà ce qu’était sa vie à présent, mais elle n’en était pas tellement fière. Elle avait voulu donner plus aux autres pour éviter de s’appesantir sur elle-même, mais elle n’en pouvait plus, sa limite de tolérance était atteinte. Quand son moral la trahissait, elle préférait rester seule pour régler ses problèmes, estimant qu’elle n’avait pas à l’imposer à qui que ce soit. De toute façon, à qui aurait-elle pu se confier ? La seule personne à qui elle aurait pu éventuellement le faire, Chakotay, se trouvait à des années-lumière d’ici avec le
Voyager. Après avoir été si proches, leurs vies avaient désormais pris un tour différent et elle devait bien admettre qu’il lui manquait beaucoup. Après avoir été prêts de céder à leur attraction réciproque lors de leur quarantaine, leur relation avait évolué pour atteindre une grande complicité et quelque chose qui pouvait s’apparenter à une sorte d’amitié amoureuse. Il était probablement l’être au monde en qui elle avait le plus confiance et elle savait qu’il n’aurait pas aimé la voir ainsi, assise à ressasser ses propres problèmes. Et pourtant elle n’avait envie que de cela, ce soir, oublier le reste du monde pour ne penser qu’à elle-même.
Dehors, la Lune pleine se levait sur la ville, apportant sa lumière blanchâtre et éclairant le ciel d’encre. Kathryn ne voyait pas les étoiles mais elle les imaginait aisément, lointaines mais proches à la fois, brillant bien au-delà de son regard. Elle aurait donné cher pour retourner là-haut, mener un vaisseau de recherches de planète en planète. C’était l’un des aspects qui lui manquaient le plus vu qu’elle se déplaçait à présent assez peu parce que la situation était calme. Elle se souvenait que son père disait qu’il avait l’impression d’être enchaîné à son bureau et elle découvrait à quel point il avait raison. Elle avait toujours poursuivi le même objectif depuis qu’elle était entrée à l’Academy : gravir les échelons, arriver au sommet et réussir sa carrière, mais elle ne voyait plus tellement les choses ainsi maintenant. Ces sept ans dans le quadrant Delta l’avaient rendue moins ambitieuse et lui avaient rendu le goût pour les choses les plus simples de la vie. Quand on devait faire face chaque jour à de multiples choses, à des problèmes d’approvisionnement qui ne se seraient jamais posés dans le cadre d’une mission normale, on n’en appréciait d’autant plus ce qu’on avait, l’amitié, le respect de son équipage qui était devenu au bout d’un moment plus qu’un équipage, une sorte de famille.
Elle tendit la main vers une lampe et une lumière diffuse troua l’obscurité de la pièce. C’était comme un retour à la réalité, au moment présent, mais son regard bleu foncé croisa un cadre posé sur une console. C’était une photo qui représentait tous les officiers supérieurs du Voyager, prise plusieurs années auparavant au mess. Tout le monde souriait à l’objectif, un verre de champagne à la main. Ce souvenir agréable fit fleurir un faible sourire sur ses lèvres. Le poids du passé se fit plus léger dans son cœur, et elle entrevit enfin de façon un peu plus positive son avenir. Mieux valait laisser reposer tout cela à présent, et se préoccuper de la suite.
Elle sentit une truffe humide venir renifler sa main. Son chien, Merlin, fils de son ancienne chienne Molly, était assis près du fauteuil et il la regardait d’un air interrogatif en remuant sa queue touffue.
« Tu as faim ? », demanda-t-elle en grattant le sommet de son crâne.
Le chien bondit sur ses quatre pattes et aboya, arrachant un sourire à sa maîtresse. Décidément, il réussirait toujours à lui rendre le sourire. Pour le reste, elle laisserait dormir les choses du passé jusqu’à ce qu’enfin elle soit prête à faire la paix avec elles et, pour la première fois, il lui sembla que ce moment n’était plus si loin…
FIN