NB : cette mini-fic se passe entre « Shadows and symbols » et « Afterimage »



2375, Deep Space Nine

Allongée dans son lit dans ses quartiers temporaires, ses yeux bleu-gris transparents grands ouverts, Ezri Dax ne parvenait pas à trouver le sommeil. Elle sentait le mouvement de rotation  de la station, aussi infime fût-il, et cela réveillait son mal de l’espace qui ne la quittait jamais vraiment. De plus, son récent joining et son retour sur la station rendaient les choses vraiment difficiles. Les trois quarts du temps, elle avait peine à savoir qui elle était et devait réfléchir pour se souvenir qu’elle était bien Ezri. De plus, quand elle marchait dans la station, il lui semblait être désincarnée, voir à travers les yeux de quelqu’un d’autre, vivre une existence qui n’était pas la sienne. Et pourtant, tout cela était bien réel, elle se trouvait bien là où avait vécu le précédent hôte de son symbiont et c’était extrêmement compliqué comme situation, surtout avec la présence des personnes que Jadzia avait connues et aimées. Elle les connaissait tous, mais ils ne la reconnaissaient ni ne l’acceptaient, ce qui l’attristait et la frustrait beaucoup, même si c’était compréhensible au vu des circonstances. Ils venaient de perdre quelqu’un de cher, et, malgré la part de Jadzia qui subsistait en elle, ils devraient réussir à faire leur deuil avant de pouvoir l’accepter pour ce qu’elle était.

Vivement, elle tourna le dos au hublot ovale derrière lequel brillaient doucement les étoiles sur le ciel d’encre et se recroquevilla sous les couvertures en essayant de faire le vide dans son esprit. Tout se brouillait dans sa tête et elle ne parvenait pas à faire le tri dans tout cela, ni à y trouver un sens. Huit existences se bousculaient dans son esprit, plus des bribes de la sienne, mais elle sentait confusément que de l’ancienne Ezri Tigan il restait de moins de moins de choses, à part peut-être son caractère extraverti qui n’avait rien à voir avec celui de Jadzia. Même après un séjour sur Trill après son joining, où les gens de la commission de symbiose avaient essayé de l’aider à mettre de l’ordre dans tout cela, elle ne se sentait pas plus au clair pour autant. Elle n’était pas destinée à la base à être jointe et, à vrai dire, c’était loin de constituer une fin pour elle, contrairement à certains Trills qui acceptaient mal de se voir écartés de la symbiose. Et voilà que, parce qu’elle se trouvait la seule Trill à bord du Destiny, on lui avait quasiment imposé de sauver le symbiont menacé, avec seulement quinze minutes d’information sur le sujet, sans disposer des années de préparation des candidats à la symbiose. Impossible de refuser, surtout avec un symbiont de plus de trois cents ans de vie, et voilà où ça l’avait menée, à ce retour aux origines difficile sur cette station où chaque endroit faisait ressurgir des souvenirs de Jadzia. Les gens de la commission de symbiose lui avaient donné des conseils, mais ils ne lui avaient pas dit comment faire pour gérer cela, elle essayait donc de se débrouiller comme elle pouvait mais, pour l’instant, cela ne lui paraissait pas concluant. Même la présence de Benjamin Sisko, sur lequel elle avait vraiment compté pour l’aider dans ce processus difficile, ne suffisait pas forcément.

Elle en était arrivée au point où elle devait encore réfléchir avant de dire son nom, même si cela tendait à s’améliorer depuis quelques jours, mais elle mélangeait encore régulièrement les pronoms. Au tout début de son joining, c’était systématiquement le nom d’un autre des précédents hôtes qu’elle donnait, au point d’accueillir sa mère en lui disant qu’elle était Curzon. Cependant, quand elle se regardait dans le miroir, elle avait encore peine à se reconnaître elle-même. Ce qu’elle avait été jusque-là, son but dans la vie, ses goûts personnels tout semblait se dissoudre de jour en jour sous la masse d’informations fournie par le symbiont et elle était de plus en plus perdue. Elle se répétait devant le miroir tous les matins « je suis Ezri » et cela semblait lui réussir mieux de jour en jour, c’était du moins quelque chose de positif. Mais certaines de ses actions lui semblaient totalement étranges, voire déraisonnables, et elle avait vraiment l’impression de ne plus être aux commandes de son propre corps. Elle avait désormais le mal de l’espace, dont elle ne souffrait pas auparavant, sa latéralité avait changé…et quoi encore ensuite ?

Heureusement, malgré tout ce fatras qui lui encombrait l’esprit, il lui restait tout de même l’envie de pratiquer ce qu’elle venait d’étudier pendant plusieurs années à la Medical Academy et la motivation résiduelle de l’ancienne Ezri. Elle n’était pour l’instant qu’une enseigne, seulement l’assistante du conseiller de bord de l’USS Destiny, mais elle espérait bien pouvoir exercer par elle-même plus tard, une fois sa formation terminée. Enfin, si c’était possible, car dans les conditions où elle se trouvait actuellement c’était presque elle qui avait besoin d’aide psychologique. Quoi qu’il en soit, elle avait presque hâte de retrouver son ancien poste pour y terminer son cursus académique car sa venue sur Deep Space Nine faisait souffrir ceux qui avaient connu et apprécié Jadzia, y compris celui qui avait été son mari, Worf. Elle connaissait bien sûr les interdictions trill concernant les conjoints des hôtes précédents, et c’était difficile pour elle aussi car elle ressentait fortement les sentiments qu’avait eu Jadzia à son égard.

Elle serait triste de partir mais il valait mieux cela que de provoquer un quiproquo ou un drame à chaque mot prononcé. Benjamin Sisko lui disait de prendre du temps, de ne pas décider à la légère mais rester n’était pas une bonne idée. Il fallait qu’elle assimile tout cela et elle pourrait envisager de revenir plus tard, quand enfin elle aurait intégré les composantes de tous ses précédents hôtes et que sa transformation intérieure serait achevée. C’était comme, en quelque sorte, achever d’assembler les pièces d’un puzzle, et ce qui en résulterait serait Ezri Dax. Il fallait juste espérer que le processus ne serait pas trop long et les pièces pas trop disjointes, et ce fut sur cette pensée qu’elle trouva enfin le sommeil…